les manuscrits de la mer morte

 

Le site de Qumran

Qumran, également appelé Khirbet Qumran («ruine de pierre»), établissement juif de la Palestine antique près duquel furent découverts en 1946 les manuscrits de la mer Morte. Le site se trouve sur la rive nord-ouest de la mer Morte, à 13 km au sud de Jéricho. À l'époque du Christ, Qumran était le centre d'une grande communauté religieuse appartenant à la secte des esséniens. Ceux-ci se séparèrent des autres courants religieux juifs au IIe siècle av. J.-C. Persécutés par les Maccabées, ils se retirèrent dans le désert, ce qui convenait à leur vie ascétique. Le site de Qumran, où ils vécurent nombreux, installés dans les grottes des falaises environnantes, fut probablement occupé vers 135 av. J.-C. Il fut temporairement abandonné après un tremblement de terre en 31 av. J.-C. et détruit par les Romains en 68 apr. J.-C. Il fut habité une dernière fois en 132-135 apr. J.-C. par les insurgés de la révolte de Bar Kocheba.

Les manuscrits de Qumran

Des rouleaux et d'autres objets de l'époque du Second Temple ont été découverts dans plusieurs grottes situées près de Qumran, aussi bien des grottes naturelles dans les escarpements de calcaire dur, à l'ouest du site, que des grottes taillées dans les falaises de marne près de Qumran. A l'approche de l'armée romaine, les habitants de Qumran se réfugièrent dans les grottes et y cachèrent leurs documents. Le climat sec de la région de la mer Morte a conservé ces manuscrits écrits, il y a 2 000 ans, sur du parchemin.

Dans la grotte no. 4, située dans la falaise de marne au sud du site, les archéologues n'ont retrouvé que 15 000 petits fragments appartenant à environ 600 manuscrits différents. Des hommes de l'antiquité ou des Bédouins contemporains ont peut-être retiré des rouleaux de cette grotte, n'y laissant que des débris. Cette grotte servait aux Esséniens de gueniza, un endroit pour conserver les écrits sacrés déchirés.

Dans les années 1950 et 1960, de nombreuses grottes dans les canyons du désert de Judée, le long des rives de la mer Morte, firent l'objet d'études et de fouilles. Parmi les documents découverts là ainsi que dans les grottes autour de Qumran, on a retrouvé des exemplaires de tous les livres de la Bible (excepté le rouleau d'Esther). Le plus célèbre est le rouleau complet du livre d'Isaïe écrit entre le IIe siècle avant l'ère chrétienne et la destruction du site en l'an 68. Cette date a été récemment confirmée par un examen au carbone 14 d'un échantillon de parchemin du rouleau. Les livres de la bibliothèque de Qumran sont considérés comme les copies les plus anciennes des livres de la Bible. Des écrits de la secte essénienne, dont le centre spirituel se trouvait à cet endroit pendant les deux cents ans précédant la destruction de Jérusalem et du Temple, ont également été mis à jour dans les grottes près de Qumran.

de façon plus approfondie...

Les onze grottes à manuscrits de la région de Qumran, cotées de 1 Q à 11 Q, ont livré les restes d’un millier de rouleaux ; une douzaine à peine sont à peu près complets, ainsi le rouleau d’Isaïe de la grotte 1, qui mesure 7,34 m de long.

Livres bibliques

Un quart de cette vaste bibliothèque comprend les livres saints qui, vers l’an 100 de l’ère chrétienne, furent incorporés dans le « canon palestinien », formé par les pharisiens. Tous les écrits de l’Ancien Testament y sont représentés, la plupart par dizaines d’exemplaires fragmentaires, tel le Psautier qui compte trente-cinq copies ; l’une de celles-ci, le Psautier de la grotte 11, comporte sur un rouleau long de 4,50 m presque tous les psaumes de la troisième et dernière partie du Psautier. Le Psautier essénien contenait beaucoup plus de psaumes que le Psautier pharisien, lequel en a cent cinquante. Il ne manque, dans cette réserve, que le livre d’Esther, écarté pour des raisons liturgiques, les esséniens ne reconnaissant pas la fête de Purim dont il est question dans cet ouvrage.

Quelques textes de Qumran livrent des sources des écrits bibliques : ainsi, une chronologie araméenne de la grotte 4, qui est antérieure à la dernière révision du Pentateuque ; deux sources du Psautier ; une « Prière de Nabonide » (éditée par Milik, Revue biblique , 1956), qui est la source du chapitre IV du livre de Daniel. On connaît en outre des traductions araméennes (targums ) de livres bibliques : fragments du Lévitique et de Job de 4 Q, morceaux substantiels de Job de 11 Q.

Écrits pseudépigraphes

Les habitants du monastère qumranien lisaient de nombreux ouvrages qui plus tard ont été rejetés par les juifs orthodoxes comme apocryphes. Ces pseudépigraphes étaient, par contre, reconnus comme inspirés par les premiers chrétiens, tout au moins jusqu’au IVe siècle. À la lumière des études récentes, il semble bien certain que le canon paléochrétien des livres saints recouvrait exactement le canon essénien. Tel est le cas des livres d’Hénoch (le septième patriarche d’avant le Déluge), dont on conserve onze manuscrits araméens fragmentaires de 4 Q, une citation explicite dans l’épître de Jude, des versions grecque et éthiopienne ; également hénochique est le « livre des Géants » (une douzaine de manuscrits à Qumran), celui-ci incorporé dans le canon manichéen. Plusieurs ouvrages étaient attribués à Noé, le premier patriarche postdiluvien. Les esséniens lisaient en araméen, les chrétiens en version grecque les « Testaments » des trois patriarches sacerdotaux (Levi, Qahat et Amram). Il existe aussi en hébreu le « Testament de Nephtali ». D’autres compositions qumraniennes sont attribuées à Abraham, Josué, David, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel..

On a retrouvé enfin les originaux de quelques livres bibliques deutérocanoniques : livre de Tobie en araméen (4 manuscrits de 4 Q), Siracide hébreu (2 Q et Masada), un fragment de l’épître de Jérémie en grec (7 Q).

Textes esséniens

Plus de la moitié des manuscrits de Qumran relèvent de la production littéraire strictement essénienne. Un ouvrage appelé le « livre des Jubilés » raconte l’histoire sainte de la Création jusqu’à la promulgation de la Loi, répartie en périodes de quarante-neuf ans ; l’original hébreu s’est conservé dans les fragments des deux manuscrits de 1 Q, deux de 2 Q, un de 3 Q, huit de 4 Q, un de 11 Q, un de Masada ; on possède une version éthiopienne complète et une version latine incomplète de cet écrit essénien qui, par ailleurs, fut utilisé par les chroniqueurs chrétiens.

De très nombreux manuscrits qumraniens commentent verset par verset les livres inspirés des prophètes et de David. Le texte biblique y est expliqué en fonction de l’histoire de la secte et en particulier de la vie du fondateur. Presque complets sont les commentaires (pesharim ) d’Habacuc (1 Q) et de Nahum (4 Q). D’autres commentaires de caractère juridique et rituel, reprennent les prescriptions contenues dans le Pentateuque de Moïse (pesharim halachiques).

La vie des esséniens était soumise à divers réglements : celle des moines du Khirbet Qumran à la « Règle de la communauté » (dont on a trouvé un exemplaire complet en 1 Q, des fragments d’un manuscrit en 5 Q et de dix manuscrits en 4 Q) ; celle des camps de Damascène et des thiases esséniens au « Document de Damas » (on en a découvert une copie assez complète au début de ce siècle dans une synagogue du Caire, puis des fragments d’un manuscrit en 5 Q, d’un autre en 6 Q, de huit en 4 Q) ; des échantillons d’autres règles sont conservés en de nombreux manuscrits fragmentaires de la grotte 4. Un règlement fictif décrit la guerre apocalyptique contre les « fils de ténèbres » ; ce « Manuel du combattant » (ou la « Règle de la guerre ») est représenté par un exemplaire presque complet de 1 Q, par des fragments de plusieurs manuscrits de 4 Q, par un manuscrit de 11 Q.

Beaucoup d’écrits étaient destinés à l’usage liturgique, par exemple pour la fête du renouvellement de l’Alliance, qui se célébrait le quinzième jour du troisième mois. Les esséniens suivaient dans leur vie liturgique un calendrier particulier, à fêtes fixes, où l’année comptait trois cent soixante-quatre jours et cinquante-deux semaines. Une vingtaine de manuscrits de 4 Q donnent en détail ces computations chronologiques en cycles d’un an, de trois ans, de six ans (service hebdomadaire des vingt-quatre familles sacerdotales dans le Temple : 6 Z 52 = 13 Z 24), de sept jubilés. À ce groupe il faut ajouter sans doute le « Rouleau du Temple ».

Également prolifique était la production hymnique, utilisée elle aussi, tout au moins en partie, dans la liturgie. Un rouleau assez complet de la grotte 1 contient un recueil des cantiques d’action de grâces (Hodayot ), qui reflète le haut degré de la mystique essénienne.

après la découverte...

Après la découverte des manuscrits, Qumran fut soigneusement fouillé de 1946 à 1956. Les archéologues purent identifier certaines salles qui avaient servi à l'étude et au culte, ainsi que d'autres où étaient sans doute pris les repas en commun, une grande pièce avec des encriers (peut-être le scriptorium où étaient copiés les manuscrits) et enfin des bassins pour les bains. Les fouilles révélèrent également un cimetière proche comprenant plus de 1 000 tombes.